« Le soir de mon arrivée à Oléron, j'étais accablé de tristesse. Cette île me paraissait désolée, sinistre, et ne me déplaisait pas.
Je me promenais sur la plage, marchant dans les varechs pour éviter la boue. Je longeais les fossés du château (…). A ma droite les marais s'étendaient à perte de vue, à ma gauche la mer couleur de plomb se perdait dans les brumes qui masquaient la côte.
Je ne voyais dans toute l'île d'autre créature humaine qu'un soldat en faction, immobile à la corne d'un retranchement et se dessinant sur le brouillard. A peine pouvais-je distinguer au loin à l'horizon la petite forteresse, isolée dans la mer entre la terre et l'île, qu'on appelle le Pavé.
Aucun bruit au large, aucune voile, aucun oiseau.
Au bas du ciel, au couchant, apparaissait une lune énorme et ronde qui semblait dans ces brumes livides l'empreinte rougie et dédorée de la lune.
J'avais la mort dans l'âme. Peut-être voyais-je tout à travers mon accablement. Peut-être un autre jour, à une autre heure, aurais-je eu une autre impression. Mais ce soir là tout était pour moi funèbre et mélancolique. il me semblait que cette île était un grand cercueil couché dans la mer et que cette lune en était le flambeau. »
Victor Hugo 1843 in "Alpes et Pyrénées, en voyage", chapitre XVI. Librairie du Victor Hugo illustré Paris
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